mardi 28 août 2012

Jo Kyong-sun - Traces of Life (1989)

Traces of Life (생의 흔적) est un film nord-coréen en deux parties (pour une durée totale de 2h03) sur Jin Ju, la veuve d'un officier de l'Armée du peuple, qui devient Héroïne de la Nation en travaillant pendant plus de vingt dans un village agricole collectiviste. Le film serait inspiré de l'histoire vraie de Han Soon See, honoré du titre de Héros du Travail mais exécuté plus tard pour espionnage. Traces of Life s'attarde seulement sur la partie la plus glorieuse de l'histoire. Le film entier est visible ici.


L'action commence au début des années 1960. Jun Ji (interprétée par Mi Ran Oh, "actrice du peuple" et héroïne de Broad Bellflower en 1987 et Urban Girl Comes to Get Married en 1993) est abordée dans un tain par un jeune soldat la Navale qui la demande immédiatement en mariage. il lui explique qu'il part le lendemain en mission et qu'il a promis à son supérieur de trouver une épouse avant son départ. La jeune fille refuse mais le soldat va s'adresser directement à son père, qui accepte de marier sa fille car il comprend cette "tradition militaire". Jun Ji part donc à contre cœur avec le soldat dans une base militaire insulaire proche de la zone de démarcation entre le Nord et le Sud. On apprend plus tard que le père du soldat vit au Sud, en territoire occupés par les Yankees, d'où son envie de combattre. Peu à peu, Jun Ji apprend à aimer son mari ; un enfant nait. Mais un soir, une dispute éclate entre les mariés : selon son mari, Jun Ji, qui se plaint des missions militaires intempestives, pense trop à elle et pas assez au Parti. Sur ce, le mari se fait exploser en écrasant une mine sur un cuirasser yankee. Veuve, Jun Ji part avec son fils à la campagne.

Jun Ji après la mort de son mari.
Le Parti va devenir la seule famille de Jun Ji.

Arrivée au village au Songnam, Jun Ji (qui vient d'accoucher d'un deuxième enfant qui ne connaîtra donc jamais son père) devient agricultrice. Acharnée de travail, en trois ans, elle devient meilleure chef agricole du village. Elle n'arrête jamais. Son but : produire autant de riz que le Général Kim Il-sung le demande et devenir Héros de la Nation comme son défunt mari. Tant qu'elle n'atteindra pas ce but, elle n'ira pas se recueillir sur la tombe de son mari. Son rêve est exhaussé après un travail de vingt ans ! Kim Il-sung (qu'on ne voit pas à l'écran) visite l'exploitation du village et se dit satisfait : le riz est produit en assez grande quantité pour être expédiée à Pyongyang. Jun Ji, devenue Héroïne de la Nation, participe à une cérémonie à Pyongyang et peut enfin aller se recueillir sur la tombe de son mari.

Soirée VIP : la nuit des Héros à Pyongyang.
Les traditionnels feux d'artifices devant une foule immense.

Traces of Life illustre bien une tendance du cinéma nord-coréen des années 1980 : la promotion de la vie rurale et du collectivisme agricole. Comme dans le film Broad Bellflower ou Urban Girl Comes to Get Married. La morale du film, rappelée à plusieurs reprises est que seul celui qui consacre toute sa vie au Parti laisse une trace dans l'histoire du pays. Une illustration de l'idéologie mise en place par Kim Il-sung : devenir à la fois le père et la mère de tous les Coréens, tout en infantilisant le peuple, qui doit toujours resté pure et innocent. Lire à ce propos le livre de B. R. Myers : La Race des purs. Comment les Nords-Coréens se voient. Traces of Life a eu une suite : Genuine Life Goes On (이어가는 참된 삶), toujours en deux parties (pour un film de près de 3 heures !), qui se penche sur l'avenir des deux enfants de Jin Ju.

Les joies du collectivisme agricole en chanson.
Photo souvenir : "Kim Il-sung looking at ears of corn".

Revenons sur un Comme dans de nombreuses productions nord-coréennes, le film commence par un flashback, ce qui enlève tout suspens (on sait que le mari de Jin Ju est mort et qu'elle est vivante) mais illustre bien la mentalité du pays quand il s'agit de raconter une histoire - ou l'Histoire : on part de la situation présente pour modeler ou inventer les faits passés. C'est ce qui s'est passé avec la biographie de Kim Il-sung et toute l'édification de la nation depuis 1945. Les exemples pullulent : un seul, assez amusant. Afin de justifier le règne des Kim, le Parti est allé jusqu'à faire du grand-père de Kim Il-sung le meneur d'une révolte contre les colons américains en 1866 ! Pour plus de révisionnisme historique, voir le traitement de la guerre de Libération nationale.

Aucun commentaire: