vendredi 28 octobre 2011

Le dandysme par Luc-Olivier d'Algange

Dans son essai poético-philosophique L'Ombre de Venise (le premier titre du livre de Nietzsche qu'est devenu Aurore), Luc-Olivier d'Algange livre son opinion sur le dandysme. Rappelons que Luc-Oliver d'Algange est le cofondateur, avec F.J. Ossang, de la revue Cée et de la revue Style, avec André Murcie. Collaborateur à la revue La Place Royale, c'est également un connaisseur de l’œuvre de Jean Parvulesco. Dans L'Ombre de Venise, Luc-Oliver d'Algange écrit donc :

luc-olivier d'algange
Il y aurait beaucoup à dire sur le dandysme en tant que révolte contre le nivellement par le bas, contre la massification qui sont les symptômes, sinon les causes, du monde moderne, tel qu'il triomphe aujourd'hui dans la mondialisation technocratique... Le dandysme d'Oscar Wilde, par exemple, loin de se réduire à une pure culture de la singularité, peut aussi être compris comme une ascèse. les dandies se rapprochent souvent d'une certaine forme de catholicisme. En témoigne l'admirable De Profundis d'Oscar Wilde. La puissante intellectualité, forgée à la lecture de Saint-Thomas et la grande somptuosité des œuvres et des rites ne peuvent que séduire le dandy qui envisage le monde moderne, en marche, comme une marée d'ennui et de banalité. A cet égard, le dandy appartient beaucoup plus à la catégorie des "ascètes" qu'à celles des "hédonistes". Le dandy refuse la massification, il refuse aussi cette forme inférieure d'individualisme qui fait de la subjectivité et de la spontanéité naturelle de l'individu "moderne" une sorte d'idôlatrie abominable... Mais lorsque l'on vous traite de dandy, c'est rarement dans cette perspective religieuse et étaphysique ; c'est tout au plus une façon polie de ramener vos propos à une insignifiance rassurante... Or, j'y insiste, rien ne m'importe que le péril du Vrai et le vertige du Bien. Le dandy, qui se fait une ascèse de la recherche de la Forme parfaite, le dandy qui ritualise ses gestes, qui introduit un fanatisme dans des questions en apparence futiles ne tente rien de moins que de défier ce monde dominé par les classes moyennes dont l'égoïsme, la vulgarité et la brutalité monstrueuse sont étayés par une certitude sans faille de leur "bon droit" !


fernando pessoaFernando Pessoa, écrivain à succès post-mortem.

Le véritable dandy se voit dans une citadelle assiégée. la beauté du geste, de l'apparence, le sens aigu de la Forme, surtout lorsqu'ils suscitent la réprobation outragée du bourgeois, engagent un combat, voire un drame d'une importance et d'une violence extrême. Le style loin d'être un ornement, est l'ultime Bien. Ce beau que l'on défend est le secret de la bonté métaphysique. Lorsque les barbares de l'intérieur ont triomphé sur tous les fronts, le Style est l'arme dont la possession assure la possibilité d'un recours, d'une recouvrance... Ce fut le dandysme de ceux qui furent d'abord de grands poètes et de grands métaphysiciens, voire de grands historiographes comme Barbey d'Aurevilly. Ce dandysme ne se réduit pas à une singularité exacerbée, accordée au libéralisme bourgeois, dans le genre des créateurs de mode, mais s'aventure sur les voies, infiniment plus mystérieuses, d'une quête d'objectivité à travers le Masque, que l’œuvre de Fernando Pessoa réalisera dans ses ultimes conséquences.

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