vendredi 22 octobre 2010

Le Monde s'interroge sur Nabe

Le Monde (le torchon, pas la planète) s'interroge sur la sélection du dernier roman de Marc-Édouard Nabe, L'Homme qui arrêta d'écrire, roman des années 2000, pour le prix Renaudot. On se souvient qu'en 2002, Alain Zannini, roman des années 1990, était sélectionné pour le Goncourt des Lycéens. Des lycéens qui, à l'époque, n'avaient pas beaucoup manifesté... pour Nabe.

Peinture christique de Marc-Édouard Nabe.
L'homme n'est pas seulement cruciverbiste.

Comme d'habitude dans la presse torche-cul, une allusion est faite au prétendu antisémitisme de l'auteur. C'est le comique récurrent depuis les années 1980, et, bien que cela soit totalement faux, les journalistes ne peuvent s'empêcher d'y faire référence, pour discréditer Nabe, qui est pourtant le premier défenseur de juifs comme Jésus de Nazareth, Henry Bernstein ou Simone Weil. Et bien d'autres. La presse torche-cul est ce qu'elle est...

Reproduction de l'article du Monde qui est très drôle en raison des témoignages de Louis Gardel (accusation d'antisémitisme), de Patrick Besson (défenseur nabien depuis 1988) et de Franz-Olivier Giesbert (qui est, avec Frédéric Taddéi et Thierry Ardisson, le seul animateur TV à inviter Nabe). Nabe au Renaudot : un coup d'épée dans l'eau ? On s'en fout. Le Renaudot a tout à y gagner, Nabe n'a rien à y perdre.

Est-ce un pied de nez au monde de l'édition ? Un "coup" médiatique ? Ou, comme le dit Dominique Bona, membre du jury Renaudot, la volonté de rester fidèle à l'esprit d'irrévérence qui a présidé à la naissance du prix ? Toujours est-il que, pour la première fois dans l'histoire des prix littéraires, un livre autoédité entre en compétition. Et pas n'importe quel roman puisqu'il s'agit de L'Homme qui arrêta d'écrire, de Marc-Édouard Nabe. Un choix qui ne manque pas d'ironie. D'une part, le roman de Nabe fustige copieusement les milieux artistico-littéraires en changeant à peine le nom des personnes qu'il attaque - notamment certains membres du jury, comme Patrick Besson ou Franz-Olivier Giesbert. D'autre part, ce livre diffusé sur Internet et dans quelques commerces (boucherie, fleuriste...) se veut l'illustration d'un nouveau concept lancé par l'auteur : "l'anti-édition". Pourtant, ni le boycottage des intermédiaires traditionnels du livre que sont les éditeurs, les diffuseurs et les libraires - des "parasites" selon Nabe - ni le contenu du roman ne semblent avoir vraiment posé de problème au jury, comme l'explique Patrick Besson : "C'est davantage sur le côté scandaleux du personnage qu'il y a eu des oppositions." Louis Gardel, par exemple, est catégorique : "Je n'ai pas ouvert le livre de Nabe car, il y a quelques années, lors d'un dîner, j'ai quitté la table après qu'il a tenu des propos antisémites. Il est hors de question que cela aille plus loin."

Interrogés sur la question de l'autoédition, les membres du jury expriment des points de vue divergents. "D'abord ce n'est qu'une deuxième liste, observe Dominique Bona. Ensuite, il est évident que si Marc-Édouard Nabe est maintenu dans la dernière sélection, il faudra en parler dans la mesure où ce procédé court-circuite une profession qui est aujourd'hui en souffrance. Lui décerner un prix serait un véritable camouflet à l'égard des libraires, auxquels tous les auteurs sont redevables." Un avis que ne partage pas Franz-Olivier Giesbert : "Je ne vois pas où est le problème ? Proust en son temps s'est autoédité." Pour Patrick Besson, "c'est une manière de saluer l'importance d'une œuvre originale qui demeurera une curiosité dans le paysage littéraire de la deuxième moitié du XXe siècle". Et puis, ajoute-t-il, "je suis sensible à l'aspect industriel. C'est de l'autoédition telle que la pratiquaient en leur temps Tolstoï et Dostoïevski." Message reçu par Nabe, qui s'est dit agréablement surpris par cette entrée en lice au Renaudot : "Au moins cela démontre qu'un livre sorti en janvier hors du système traditionnel peut encore avoir une existence en septembre. Il y a quelque chose de très réjouissant à voir l'anti-édition entrer dans une liste de prix prestigieux." Surtout si, comme l'affirment Christian Giudicelli et Louis Gardel, c'est Franz-Olivier Giesbert, patron du Point et figure influente de la vie littéraire, qui a parrainé Nabe, autoproclamé "paria" des lettres... Ce que Giesbert dément.

dimanche 17 octobre 2010

Interview de Mick Jagger en 1971

Pour l'émission Pop 2 du 13 février 1971, Patrice Blanc-Francard s'entretient (essentiellement en français) avec Mick Jagger dans sa chambre d'hôtel à Paris. Le chanteur des Rolling Stones évoque successivement le public français, le symbole que représente son groupe, l'incident du concert d'Altamont en 1969, sa musique, la politique et John Lennon.

samedi 16 octobre 2010

Poème pornographique de Jean de Tinan


Jean de Tinan (1874-1898) était très ami avec Pierre Louÿs (1870-1925). Les deux écrivains français ont échangé de nombreuses lettres, réunies en grande partie par les éditions du Limon en 1995. Le 15 avril 1896, Tinan adresse à Louÿs un pastiche pornographique "d'après la Première Automnale d'André Lebey". Lebey étant un ami commun. La référence finale à la Russie est une allusion à l'alliance franco-russe, dont on parlait beaucoup en France depuis 1895, date à laquelle l'escadre de l'amiral russe Avellan avait été triomphalement reçue en France.

Le désir de baiser et l'espoir d'être indemne
Vers les bordels déserts ont érigé nos pas
Nous sommes un peu saouls et ces femmes qu'on aime
Sans trop savoir leurs noms ne messieront pas.

Ah ! Toute femme est bonne à qui n'a pas voulu
Malgré la solitude et qu'il bandât si fort
Au seul Autopalmaire dédier son rut ;
Beau songe d'idéal pur et chaud quand ça sort.

Faisons sucer nos queues et sans autres caresses
Essayons un bonheur quoique un peu passager
Sans craindre le réveil de la trop courte ivresse
Où nos reins lourds s'efforcent d'éjaculer ;

Oui c'est une putain mais au moins elle avale
Et par sa bouche au moins, moyennant une thune
L'amour agenouillé peut tailler une plume
A ceux dont l'Âme-Sœur se nomme Peau-de-Balle.

Regarde auprès de toi la cuvette si bonne
Et le beau linge neuf doux à s'en essayer
Quand viendra le moment où tu devras rincer
Ma suprême blancheur que l'amour abandonne,

Ecoute les glouglous de leurs bouches qui sucent,
Vois la conviction de leurs langues fidèles
Et, pèlerin pieux des antiques bordels
Jouis dans toutes ces putains - avant les Russes.

Taverne Murger. 15 avril. 1h du matin.

samedi 9 octobre 2010

Le Velvet Underground à l'honneur en France en 1972

Le 10 juin 1972, la télévision française se surpassa par le biais de l'émission Pop 2 en diffusant un reportage de 23 minutes sur le concert de Lou Reed, John Cale et Nico, interprété au Bataclan à Paris le 29 janvier 1972. Un concert mythique disponible en édition pirate pendant de nombreuses années avant d'être officiellement édité en 2004 (en quantité limitée et numérotée). En 1972, le Velvet Underground était dissout depuis deux ans et Lou Reed, par la grâce de David Bowie, commençait à devenir un artiste reconnu.



La télévision française avait filmé le concert en intégralité et de façon remarquable. Sans être sûr à 100 %, je crois que c'est Philippe Garrel, le cinéaste et compagnon de l'époque de la chanteuse Nico, qui tient la caméra. Cette hypothèse est renforcée par l'utilisation systématique du plan séquence, une pratique chère à Philippe Garrel dans les années 1960-70. Quoi qu'il en soit, les images sont superbes. Les extraits du concerts sont entrecoupés de commentaires de Philippe Paringaux et Yves Adrien, alors critiques à Rock & Folk. Yves Adrien allait publier quelques mois plus tard son manifeste "Je chante le rock électrique", véritable panégyrique à la gloire des Stooges, des Flamin' Groovies, des New York Dolls et de Kim Fowley. Rétrospectivement, on ne peut qu'acquiescer.

L'émission Pop 2 diffuse les chansons suivantes : "Berlin", "Waiting for the man", "Heroin", "Ghost Story" et "Femme Fatale".

Reportage français sur les Rolling Stones en 1968

Reportage de 8 minutes diffusé le 16 novembre 1968 sur l'ORTF. A l'époque, il n' y avait qu'une seule chaîne de télévision française mais au moins les reportages étaient plus intéressants et mieux filmés qu'aujourd'hui.



Des journalistes rencontrent Keith Richards à Londres. Le guitariste, en pleine mutation byronienne sous opiacés, évoque la manière dont est appréhendé de son groupe, les Rolling Stones, et l'image qu'il véhicule, opposée à celle des Beatles. Keith évoque même son bref séjour en prison (une seule nuit) pour avoir laissé des personnes fumer du cannabis dans sa propriété de Redlands en 1967 !

Le reportage se poursuit avec Mick Jagger, se faisant coiffer pour les besoins du film Performance dans la Rolls Royce de John Lennon. Il parle de la dernière manifestation à laquelle il a participé, évoque l'anarchie et la révolution, et le film One + One tourné sous la direction de Jean-Luc Godard. En français, il répond aux questions sur Ravi Shankar qui aurait influencé la musique pop.

mercredi 6 octobre 2010

What Is Royal Trux ? (1990)



En 1990, peu après la sortie du double album extrême Twin Infinitives (publié chez Drag City), Royal Trux, composé de Neil Hagerty et de Jennifer Herrema, part brièvement en tournée. Rien de bien méchant : quelques dates dans des bars et des clubs miteux devant une poignée de spectateurs (le barman et les piliers de comptoirs habituels). Il faut dire qu'à l'époque, les performances de Royal Trux sont loin d'être enjouées. Sur des bandes pré-enregistrées de percussions répétitives, Neil Hagerty triture sa guitare pour en sortir des riffs minimalistes et bruts de décoffrage, Jennifer Herrema, plus ou moins défoncée, récite des paroles peu compréhensibles sans aucun sens du rythme. A l'instar de Twin Infinitives. On aime ou on déteste.


Le toujours difficile réveil des junkies...

Royal Trux décide de filmer ses concerts pour les intégrer à un film intitulé What Is Royal Trux ? Le scénario est très mince : Royal Trux est poursuivi, pour on ne sait quelle raison, par deux personnes (flics ?) portant des masques à nez pointus tirés d'Orange Mécanique. Pour échapper à ces êtres qu'on imagine malfaisants, Royal Trux décide de partir en tournée. Les deux tiers du film sont donc composés d'extraits de concerts dont ceux du 31 octobre à New York et du 9 novembre à Chicago.

Jennifer Herrema fume et écrit les paroles d'une chanson.

Enfin des crédits de film qui tiennent sur un seul écran.

What Is Royal Trux ?, définitivement indisponible depuis plusieurs années, est téléchargeable en cliquant ici. Qualité VHS. Le film n'a jamais été édité en DVD. Peut-être un jour, qui sait ? L'album Twin Infinitives lui-même a été récemment réédité par Drag City.


Royal Trux en concert à New York le 31 octobre 1990.

vendredi 1 octobre 2010

Lech Kowalski - DOA - A Punk Movie (1978)


Lech Kowalski, D.O.A., death on arrival, en 1978, c'est à voir... Disons que le film est tourné en 1978 mais qu'il est sorti en 1981. Kowalski livre ici sa première salve punk avant ses documentaires sur les junkies du Lower East Side et sur Johnny Thunders (voir le documentaire excellent Born To Lose). Un essai réussi puisque DOA fait maintenant autorité dans les films consacrés à la scène punk. En même temps, la concurrence ne fait pas florès tant les cinéastes sont passés à coté du mouvement punk. Pourtant le mouvement le plus excitant depuis l'avènement des Beatles et des Rolling Stones.

Sid Vicious : gros con devenu icône chez les pré-pubères.

Kowalski suit la tournée américaine historique des Sex Pistols, très courte, qui fut suivit de l'explosion du groupe. Ici peu de groupes américains : on y voit ni les Heartbreakers (le meilleur groupe de punk de tous les temps) ni Richard Hell ni les Ramones. Mais on on voit par exemple la connerie des fans des Sex Pistols, des bobos avant l'heure, et la connerie des institutions britanniques qui n'y comprennent rien non plus.

Johnny Rotten : gros punk roux fantasme de Greil Marcus.

Moment ultime : évidemment la séquence entre Sid Vicious, bassiste des Sex Pistols, et Nancy Spungen, groupie de son état, dans une chambre du Chelsea Hotel à New York, complètement défoncés, parlant de cendre de cigarettes et de rien du tout. Pathétique. Du grand punk. Du grand guignol. Avec les provocations nazies adéquates.