samedi 15 août 2009

Kenji Mizoguchi - La marche de Tokyo (1929)


Kenji Mizoguchi est un génie du cinéma à juste titre célébré comme tel dans le monde entier même si ses films sont rarement projetés sur les écrans ou diffusés à la télévision. Tant de beauté effraie le petit écran. Et tant de critique sociale. Kenji Mizoguchi est un homme en colère qui a transcendé son ire grâce à cet art qu'est le cinéma. Connu pour son art du plan séquence et sa philosophie de la prise unique (aux risques et périls des acteurs), Mizoguchi a débuté sa carrière en 1922 et a enchaîné les tournages pour se faire une place dans le monde du cinéma. Lui, issu d'une famille pauvre brisée par la crise économique et solidaire du socialisme, s'est vengé de la société à travers ses films.


Il faut savoir que la famille de Mizoguchi a vécu un temps grâce à la sœur de Kenji qui jouait l'escort girl pour un riche industriel et ramenait l'argent à la maison. Cette situation (prostitution féminine des pauvres pour le plaisir sexuel des riches) a marqué à jamais Kenji Mizoguchi et ses films. C'est le thème principal de La marche de Tokyo, un film muet de 1929 de 29 minutes restauré par la Cinémathèque française il y a quelques années. Les subventions de l'Etat servent enfin à quelque chose de primordial.


Adapté d'un livre de Kankikuchi, La marche de Tokyo raconte l'élévation sociale de la pauvre Orie, orpheline (interprétée par Shizue Natsukawa), qui devient geisha pour subvenir à ses besoins. Dans sa maison de passe, elle rencontre de riches industriels et des hommes d'affaires qui lui promettent richesse et mariage. Le tout auréolé d'inceste (père/fille et frère/soeur, autant être clair et net).


L'art de Mizoguchi tient ici de la plus haute maîtrise. 5 ans après Eric von Stroheim et 30 ans avant Jean-Luc Godard, Mizoguchi n'hésite pas à tourner en plein air. Et 10 ans avant Orson Welles, il utilise le flashback. La marche de Tokyo est un tour de force exceptionnel. En 29 minutes, Mizoguchi exploite une histoire qui pourrait durer 2 heures. Les plans sont extrêmement serrés ; le superflu est banni. On peut supposer que la pellicule à disposition de Mizoguchi n'est pas étrangère à ce montage.


Ci-dessous, le début du film. Certaines symboliques sont à noter, en particulier la scène où les riches bourgeois qui jouent au tennis dominent géographiquement la pauvre Orie, qui s'empresse de rendre service à des gens plus riches qu'elle. Et ces mêmes gens, derrière leur grillage, de prendre en photo la jeune femme, comme un aperçu du tourisme social obscène aujourd'hui en vogue. Effectivement, Kenji Mizoguchi était vraiment un homme en colère.

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